La FAD, le tétraèdre pédagogique et le rôle de l’enseignant concepteur pédagogique

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Le contexte actuel et la problématique liée à la FAD

La crise sanitaire que nous avons traversée a replacé la FAD (formation à distance) au centre des dispositifs pédagogiques en permettant d’assurer la continuité des enseignements aussi bien en primaire, en secondaire que dans l’enseignement supérieur. Depuis 2011, on commençait à percevoir l’émergence de ce type de transfert dans certaines formations mais il restait malgré tout ypsilonien au regard des volumes assurés en présentiel. La soudaineté du confinement a obligé les organismes de formation à s’adapter en quelques semaines, voire quelques jours afin de trouver des solutions pour assurer la continuité des apprentissages. Le temps nécessaire à la formation des enseignants et la mise en place de l’organisation logistique inhérente à ce dispositif n’ont pas pu être correctement pris en charge. L’enseignant concepteur pédagogique s’est retrouvé démuni face à un outil qu’il maîtrisait peu et a dû organiser ses séquences en fonction de ces nouvelles contraintes. Avant de brutalement appliquer ces mesures n’aurait-il pas fallu en amont expliquer, définir, donner les points forts et les limites de la FAD ? C’est une évidence à laquelle tous les responsables de formation se retrouvent aujourd’hui/ se sont retrouvés confrontés.

 

Comment définir précisément la FAD et son environnement conceptuel et fonctionnel ?

La FAD est une activité de transmission et d’apprentissage de connaissances mise en œuvre en dehors d’une présence physique du formateur et du formé dans un même lieu tout au long de la formation (Glikman 1994).

Dès lors, trois conditions doivent être réunies pour que le concept d’enseignement ouvert puisse être relié à la FAD (Kaye 1988 [5])

  1. Le dispositif a recours aux médias comme élément majeur de l’apprentissage
  2. Le dispositif permet un affranchissement des contraintes spatiales et temporelles propres aux dispositifs dans lesquels l’apprentissage se fait en présence d’un enseignant
  3. Le dispositif utilise cet affranchissement comme facteur favorisant l’autonomie dans le processus d’apprentissage

La FAD va favoriser la notion de groupe en créant une diversification des interactions. En effet elle rapproche le savoir des apprenants et reconnait que l’apprentissage ne résulte pas exclusivement de l’interaction entre le professeur et l’apprenant ou entre ce dernier et d’autres apprenants mais aussi entre l’apprenant et l’ensemble des individus qui l’entourent (famille, communauté, travail…) (Wagner et Mc Combs, 1995). Donc l’utilisation de la FAD va faire réémerger les théories de l’apprentissage par groupe formulées pas Vygotsky (1896-1934) qui affirmait que les cognitions émergent dans et par l’interaction sociale et que le développement cognitif des individus est fortement corrélé à l’héritage et à l’appropriation.

 

Le dispositif de la FAD repose sur le tétraèdre pédagogique articulé autour de l’enseignant-concepteur pédagogique, l’enseignant concepteur multimédia et enfin l’enseignant-tuteur

Le tétraèdre pédagogique repose sur l’interaction entre 4 pôles :

  1. Le groupe
  2. L’enseignant
  3. Le savoir
  4. L’apprenant

L’enseignant-concepteur pédagogique devient, dans ce dispositif, la clé de voute du processus ; avant toute mise en place de son intervention, il doit se poser les questions suivantes :

  • A qui s’adresse la formation ?
  • Quelles compétences veut-on installer ou quelles évolutions cognitives veut-on provoquer chez les apprenants ?
  • Dans quelles conditions la formation va-t-elle se déployer ?
  • A partir des réponses fournies aux trois questions précédentes, quelles approches pédagogiques doit-on privilégier ?
  • Quelles sont les contraintes dont il faut tenir compte ?
  • Quelles sont les ressources humaines et techniques sur lesquelles la formation peut s’appuyer ?

Ce travail de transposition didactique (transformation du savoir savant en savoir enseignable) qui est fondamental dans le cadre de l’enseignement en présentiel devient la clé de voute du processus de la FAD.

L’enseignant concepteur multimédia doit concevoir des documents multimédias (vidéos, textes, images…) qui viendront illustrer et faciliter l’apprentissage des cours préparés par l’équipe pédagogique. Dans la réalité, l’enseignant concepteur pédagogique et l’enseignant concepteur multimédia sont souvent la même personne mais au sein de certaines structures, une personne est dédiée à la réalisation de supports réalisés selon les besoins de l’enseignant concepteur pédagogique. Cette double compétence produit dans la majorité des cas un outil optimisé permettant aux apprenants de bénéficier d’un support construit à quatre mains. La qualité pédagogique de ce dernier prend une importance clé dans le cadre de la FAD car il constitue l’interface direct entre l’enseignant et l’apprenant.

L’enseignant tuteur doit assurer la facilitation dans la démarche d’apprentissage et a pour fonction d’assurer le suivi pédagogique. Sa fonction réelle est d’accompagner l’apprenant, de le guider, de l’aider dans sa démarche d’apprentissage et d’assimilation de ses connaissances. Il va devoir assurer une aide didactique permettant d’assimiler des concepts nouveaux, assurer une aide méthodologique axée sur la manière d’apprendre de l’apprenant et ainsi accroître son efficacité, une aide psychologique destinée à entretenir la motivation des apprenants et à les aider à avoir confiance en eux. L’enseignant tuteur explique certaines notions complexes du cours, fournit des synthèses de cours et conseille l’apprenant sur les meilleures stratégies de travail à adopter. A l’université, l’enseignant tuteur est le chargé de TD qui assure un continuum entre le cours magistral délivré par l’enseignant chercheur et les étudiants. L’aide globale qu’il apporte est grandement facilitée par la gestion d’un petit groupe d’étudiants permettant une proximité pédagogique efficace. Le plus grand défi de la formation à distance est donc de recréer cette proximité, ce compagnonnage, cette relation humaine indispensable à l’acquisition des connaissances et ce, avec l’interface multimédia.

Au cours du déroulement de la FAD, deux types de relation vont se mettre en place entre les apprenants et l’enseignant-tuteur :

  • Des relations socio-affectives qui vont permettre d’éviter l’isolement des apprenants (notion de communauté d’étudiants susceptible de s’entraider) ; il faut prendre en considération qu’un grand nombre d’étudiants sont isolés loin de leur famille. Ce type de relation va permettre aussi d’agréger les éléments indispensables à la création d’une motivation commune.
  • Des relations socio-cognitives susceptibles de favoriser les apprentissages et le développement de l’autonomie des apprenants.

Ainsi sont posées les bases fonctionnelles, opérationnelles de la FAD mais, en dehors d’un contexte sanitaire tendu, peut-on considérer que la FAD a pour fonction de supplanter progressivement la formation en présentiel ?

Tout d’abord, la mise en place de ce dispositif au sein des structures d’enseignement va se trouver confrontée à deux points de résistance :

  • Les enseignants réfractaires craignant de voir disparaitre leur statut traditionnel de formateur ou estimant ne pas être, ou pas suffisamment, formés aux outils multimédias
  • Les résistants learners qui ont déjà un vécu d’échec scolaire et pour qui la FAD représente alors une difficulté supplémentaire dans l’apprentissage des notions ; l’enseignement traditionnel en présence d’un enseignant les rassure, les structure et l’autonomie impliquée par la FAD est pour eux une source supplémentaire de stress potentialisant un éventuel échec.

 

FAD/Formation en présentiel, vers une formation hybride…

Après avoir pratiqué pendant près de 15 années, l’enseignement à distance avec l’université des Antilles, certaines conclusions me sont apparues :

  • La FAD reste indispensable pour des questions logistiques et en particulier la distance. Cependant la plateforme utilisée, la qualité de la diffusion du cours et des supports restent un élément clé de la réussite de ce type de transfert. En effet, les étudiants conservent une certaine attention uniquement si la connexion est stable, claire tant en termes de son que d’image. La moindre altération d’un de ces paramètres génère « un décrochage » de la part de certains et véhicule immédiatement une image de piètre qualité du transfert mis en place.
  • La FAD reste performante tant que le groupe auquel on s’adresse est limité (20 étudiants maximum) me semble un nombre optimal car cela va créer une notion de « team », va favoriser les échanges et une construction commune du savoir.
  • La FAD ne doit pas être un dispositif imposé aux équipes enseignantes mais au contraire proposée dans un contexte préalable de formation aux outils adéquats. Pour cela je préconise de définir avec les équipes enseignantes quels sont les séances, voir les séquences de cours qui pourraient supporter une FAD et lesquelles devraient se faire en présentiel. Cette approche organisationnelle inclue entièrement l’enseignant dans ce dispositif, le rend acteur, recentre son rôle dans le transfert pédagogique et de ce fait il devient naturellement force de proposition. C’est pourquoi, au sein d’une UE, l’enseignant définira avec le responsable de formation le volume global de cours en présentiel et en distanciel.
  • La combinaison des deux types d’enseignement commence à prendre ici tout son sens puisque l’enseignant définit quelle partie de son cours peut supporter le distanciel ou le présentiel. N’est-il pas le seul véritable détenteur des difficultés de transfert que suppose son enseignement ?
  • Le présentiel, centré quasi exclusivement sur l’enseignant et sa capacité à transmettre, possède encore de grandes qualités et, à mon sens, ne doit pas disparaitre car si nous revenons aux lois fondamentales de la communication optimale, la proximité visuelle, charnelle, auditive et gestuelle restent les fondamentaux d’un transfert de qualité.

L’avenir de l’enseignement, en dehors de tout contexte sanitaire, devra donc reposer sur une combinaison harmonieuse entre présentiel et distanciel gage de modernité (utilisation du multimédia) mais aussi de relations socio-émotionnelles les deux étant indispensables à un apprentissage structuré et réussi.

 

Olivier Dantras
Directeur PROFORMED